Idée lecture - idée cadeau "Va où ton coeur te porte" (Susanne TAMARO, éd° Pocket)

Publié le par Passionsetbilletsactu

("L'auteur, Susanna TAMARO est née à Trieste en 1957. Elle est réalisatrice de documentaires scientifiques, spécialisée dans le comportement des animaux. "Va où ton coeur te porte a été un véritable phénomène d'édition et a été traduit dans plus de quarante pays").

"Ecoute ton coeur et fais confiance au destin" c'est le conseil que tient à laisser à sa petite fille une vieille dame, "seule dans sa maison battue par les vents d'hiver.

Avant de disparaître, elle souhaite resserrer les liens distendus par les aléas de l'existence. Elle n'a pour cela que des mots, des mots d'amour, des mots qui l'entraînent à évoquer sa propre vie, son enfance solitaire, son mariage de raison, la mort tragique de sa fille, du seul homme qu'elle ait aimé." Ce sont ainsi 15 lettres que retrouvera sa petite fille, à son retour d'Amérique.

Extraits /

  • Lettre du 16 novembre

Depuis deux mois, à part une carte postale dans laquelle tu m'informais que tu es toujours vivante, je suis sans nouvelle de toi. Ce matin (...) je me suis arrêtée longuement devant ta rose. (...) Tu avais dix ans et depuis peu tu lisais Le Petit Prince. Tu avais été émerveillée par cette histoire.

(...) Un matin, tu as dit "je veux une rose" (...) "qui ne soit qu'à mo"i," je veux m'en occuper, je veux la faire pousser".

(...) Comment aurais-je pu te refuser le renard après t'avoir concédé la rose ? (...) A la fin, nous sommes tombées d'accord sur un chien.(...)

A huit heures et demie, nous étions devant l'entrée du chenil encore fermé. Tu regardais à travers la grille et tu disais : "Comment je saurai lequel est vraiment le mien ?" Il y avait dans ta voix une grande anxiété.(...) Je disais : ne t"en fais pas, rappelle toi comment le Petit Prince a apprivoisé le renard.

Nous sommes retournés au chenil trois jours de suite.(...) Tu t'arrêtais devant chaque cage, tu restais là immobile et concentrée, dans une indifférence apparente (...). La responsable te montrait les plus beaux spécimens (...). Pour toute réponse tu poussais une sorte de grognement et tu avançais sans l'écouter.

Buck, nous l'avons rencontré le troisième jour. Il se trouvait dans un box en retrait, où étaient placés les chiens convalescents. (...) Au lieu d'accourir vers nous (...) il est resté assis à sa place sans même lever la tête. "Celui-là, t'es-tu écriée en le montrant du doigt. Je veux ce chien-là". Tu te souviens du visage stupéfait de la femme ?(...) Quand nous sommes allées au bureau pour signer les papiers, l'employé nous a raconté son histoire. Il avait été jeté d'une voiture en pleine vitesse, au début de l'été. Dans sa chute, il s'était grièvement blessé et c'est pour cette raison qu'une de ses pattes postérieures pendait, inerte.

A présent, Buck est ici à côté de moi. Pendant que j'écris, il pousse un soupir de temps à autre et approche le bout de son museau de ma jambe. Désormais, son museau et ses oreilles sont devenus presque blancs et sur ses yeux, depuis quelque temps, s'est posé ce voile qui apparaît toujours sur les yeux des vieux chiens. Quand je le regarde, je suis émue. C'est comme si tout près de moi se trouvait une partie de toi, celle que je préfère, celle qui, il y a bien des années, parmi les deux cents occupants du refuge, a su choisir le plus malheureux et le plus laid.

Ces derniers mois, j'ai erré en solitaire dans la maison (...); C'est à elle que j'écris, pas à la personne pleine de défenses des derniers temps. Cette idée, c'est la rose qui me l'a donnée :"Prends un papier et écris-lui une lettre". (...). Au moment du départ, nous avions convenu de ne pas nous écrire et je respecte ce pacte, à contrecoeur. Ces lettres ne s'envoleront jamais pour te rejoindre en Amérique, ce sont elles qui t'attendront ici.

(...) Orpheline ? On dit ça quand meurt une grand-mère ? (...). "Si vous êtes encore en vie" m'a dit M Razman "c'est grâce à votre chien qui aboyait comme un fou". Un jeune médecin m'a cité le nom de deux ou trois maisons de retraite avec assistance médicale.(...) Je préfère tomber en piquant du nez dans les courgettes de mon potager, plutôt que de vivre une année de plus, clouée dans un lit, dans une chambre aux murs blancs.(...) Trois jours après je signais un papier ridicule dans lequel je déclarais que, si par hasard je venais à mourir, la resonsabilité retomberait sur moi et sur moi seule.

(...) Me voici dans la cuisine, un de tes vieux cahiers devant moi, en train de mordiller mon stylo. Un testament ? (...) plutôt quelque chose qui te suivra au fil des ans, que tu pourras lire chaque fois que tu éprouveras le besoin de me sentir près de toi. (...) Juste bavarder un peu, avec l'intimité qui nous liait autrefois. (...) Je sais désormais que les morts pèsent moins par leur absence que par ce qui - entre eux et nous - n'a pas été dit. (...)

A un moment donné, quelque chose s'est cassé (...) C'est pendant l'adolescence que commence à se former autour de notre corps une cuirasse invisible (...) Plus la blessure est large et profonde, plus la cuirasse qui se développe autour est solide. (...) A l'époque où ta cuirasse à commencé à se former, la mienne était déjà en lambeaux. (...).

Sur le pas de la porte je t'ai crié de ma voix affreusement stridente : "prends soin de toi"(...) Tu m'as saluée en criant : prends soin de Buck et de la rose". (...) Je m'attendais à quelque chose de différent, un baiser ou une phrase affectueuse. Le soir seulement (...) j'ai compris que prendre soin de Buck et de la rose signifiait prendre soin de la partie de toi qui continuait à vivre à mes côtés, la partie de toi qui est heureuse.

Publié dans IDEES CADEAUX

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