Toutes les guerres.../ Ambroise Paré, chirugien de guerre - 1510/ 1590
Source / Les Veillées - article de Catherine Lejeune
"Au roi Charles IX (qui lui enjoignait de le traiter mieux que les pauvres et les simples soldats) Ambroise Paré répondit : Impossible Sire, je les soigne tous comme des rois."
- A 13 ans, Ambroise Paré est domestique chez un prêtre,
- A 15 ans, il est marmiton chez la comtesse de Laval... Médiocre marmiton, elle le place en apprentissage chez le barbier de son mari où naquit la vocation du jeune Ambroise (au XVIe siècle, les barbiers effectuent aussi des actes de petite chirurgie cutanée).
- A 22 ans, Ambroise Paré décide de monter à Paris, avec l'ambition de devenir "chirurgien-barbier" (métier qui exigeait la réalisation d'un chef-d'oeuvre et la soutenance d'une thèse).
En 1533, il se fait admettre comme stagiaire à l'Hâtel-Dieu. Malades nécessiteux, enfants abandonnés, vieillards impotents et malades mentaux s'y côtoyaient et couchaient à trois par lit. La contagion y faisait des ravages et l'on y mourait beaucoup.
Mais Ambroise Paré, avide d'apprendre de ses aînés, y travaille sans relâche (...) et trouve le temps de s'initier à l'anatomie en suivant des cours gratuits à l'Ecole de médecine et en pratiquant en secret (c'était interdit) la dissection.
N'ayant pas les soixante-douze sols nécessaires pour s'inscrire à l'examen, au terme de ses trois années de stage, Ambroise Paré entre au service d'un militaire, le duc de Montejean. Nous sommes en 1537. Il a 26 ans.
Sur les champs de bataille, il lui faudra tout apprendre. Respectueux de ses aînés, il s'initie à la cautérisatin des plaies par arquebuses, par l'application d'huile de sambuc (extraite du sureau) bouillante. La brûlure est censée éviter le pire, l'empoisonnement par la poudre.
Bouleversé par la souffrance infligée par la cautérisation à l'huile bouillante, Ambroise Paré ose contrevenir à la tradition au soir d'une bataille qui a fait des milliers de blessés. Il veille ces blessés toute la nuit. Au matin, il trouva ceux auxquels il avait mis le digestif (mélange destiné à faire suppurer la plaie pour la purger), sentir peu de douleurs à leurs plaies et sans inflammation. "Je trouvai les autres, auxquels on avait appliqué l'huile bouillante, fébricitants avec grandes douleurs. Je me délibérai de ne jamais plus brûler aussi cruellement les pauvres blessés d'arquebusades".
Homme de réflexion, autant que d'observation, Ambroise Paré, à dater de ce jour s'emploie à persuader ses confrères d'en faire autant. La lutte contre la souffrance est à mille lieues des préoccupations du XVIe siècle où la vie d'un homme, surtout d'un simple soldat, n'a aucune valeur. Là aussi, Ambroise Paré se montre novateur.
A la mort du duc de montejean, Ambroise Paré revient à Paris, devient maîre chirurgien-barbier et rédige "Méthode de traicter les playes faictes par hacquebuses et autres bastons à feu et de celles qui sont faictes par flèches, dartz et semblables; aussi des combustions espécialement faictes par la poudre à canon".
Succès dans les milieux militaires... mais ouvrage vilipendé par la Faculté (un barbier qui se mêle de remettre en cause des vérités admises, et en français, pas même en latin !)
Ayant peu de chances par conséquent de faire carrière à Paris, Ambroise Paré repart sur les champs de bataille, au service de Monsieur de Rohan, qu'il suit au siège de Perpignan. Un blessé de haut rang - Monsieur de Brissac - lui est amené. Blessé à l'épaule, les autres chirurgiens ont essayé en vain d'extraire la balle reçue. Ambroise Paré y parviendra, en lui demandant de se remettre dans la position qu'il avait au moment où il avait été atteint, tenant en main le pic qu'il avait alors en main - Cette "règle de position", permettant de retrouver le trajet de la balle, sera désormais observée par tous les chirurgiens.
Quelques mois plus tard, il sauve la vie du duc de Guise en retirant le fer de lance qui a pénétré sa tête. L'opération vaudra le surnon de "balafré" au duc et, à Ambroise Paré, la célébrité et la réputation de premier chirurgien de France. Dépit sans doute des latinistes de la Faculté...
Au siège de Damvillers en Lorraine, Ambroise Paré fait sa découverte majeure, qui rendra son nom légendaire : la ligature artérielle. Jusque-là, après une amputation on cautérisait la surface de la section avec fers chauffés à blanc. Souffrance intolérable pour le blessé et escarres qui n'en finissaient pas de cicatriser... Ambroise Paré, lors de l'amputation d'un gentilhomme de la suite de Rohan décide, tout "en tenant les cautères prêts en cas d'échec" à attirer hors des chaires coupées les extrémités des vaisseaux et les ligature un par un. Méthode qui amène immédiatement un taux de cicatrisation beaucoup plus élevé que pour les manieurs de fer rouge.
Au-delà de ses découvertes, il faut insister sur l'extraordinaire compassion envers ses semblables qui guida toujours Ambroise Paré
Dans ses "Mémoires", il relate :
(...) J'entrai dans une étable et trouvait trois soldats appuyés contre la muraille. La face entièrement défigurée, ils ne parlaient, n'entendaient ni ne voyaient. Survint un vieux soldat qui me demanda si il y avait un moyen de les guérir. Je dis que non... Il s'approcha d'eux et leur coupa la gorge doucement, sans colère. Je lui dis qu'il était un mauvais homme. Il me fit réponse que s'il était blessé de telle façon il priait Dieu qu'il se trouva quelqu'un qui le prenne en pitié et lui en fit autant".
(...) Le duc de Rohan, estimant que l'un de ses serviteurs blessé était perdu, fit creuser une fosse pour l'y jeter. Ambroise Paré supplit qu'on lui confit l'homme. Le duc le lui accord. "Je lui fis office de médecin, d'apothicaire, de chirurgien et de cuisinier. Je le pansais. Dieu le guérit"...
"Ambroise Paré forgea son titre de rénovateur de la chirurgie sur les champs de bataille".
Mais il fut d'abord un homme de paix, de miséricorde,
dont la modestie et la valeur morale égalèrent sa supériorité professionnelle"