ALSACE / Escapade "VERS COLMAR, PAR LA ROUTE DU VIN" ( 3/ 3 )

Publié le par passions et actu



Suite et fin du voyage.
Hier, COLMAR se profilait déjà  et il était rappelé que  DANTE comparait "le ciel d'Alsace, si pur, au ciel bleu de Provence" ...


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" But  avoué de notre voyage, le musée d'UNTERLINDEN est installé dans un ancien couvent de Dominicains du 12e siècle. Il a conservé un cloître en grès rose de style gothique, au puit Renaissance ouvragé et un vaste ensemble de bâtiments à l'extension malheureusement impossible.

Le peintre est, au Moyen Age, un artisan livrant sur commande des oeuvres aux règles impitoyables. Il utilise deux techniques :

- peinture directe sur bois
- peinture sur toile marouflée ( collée, non tendue, sur le bois. Telle se présentera "la Vierge au buisson de roses", à la cathédrale St Martin ).

En cette époque gothique, les montagnes sont identiques et conventionnelles. Un certain strabisme divergent des personnages exprime leur émotion. Le bas des tableaux, les pieds flottants des personnages, s'inscrivent dans une courbe. Les églises, comme des théâtres, possèdent un décor riche et frappant, dont les peintures conservent un air figé, chaque artiste étant condamné à suivre des règles sans appel, à "plagier" et non à "s' exprimer".

C'est pourquoi, avec le "retable d'ISSENHEIM", pièce maîtresse du Musée d'UNTERLINDEN, nous trouvons un peintre d'une originalité authentique et profonde, qui va se dégager des primitifs tout en leur appartenant encore, et annoncer la peinture moderne ( dont nous aurons ensuite un aperçu ).

Il s'agit de MATHIAS GOTHART NITHARDT, dit "GRUNEWALD" ( 1460 - 1528 ) - exact contemporain de MARTIN SCHONGAUER, l'auteur de "la Vierge au buisson de roses".

Le mot retable signifie "contre la table", c'est à dire contre la table-autel. Le "retable d'ISSENHEIM" est un polyptique mobile à tableaux interchangeables selon les époques de l'année lithurgique. L'émotion qu'il reflète vient de ce qu'il fut peint pour susciter des prières en une époque troublée par la réforme et les grandes épidémies.

GRUNEWALD, véritable artiste ( c'est à dire hypersensible ) est le peintre officiel de la cour d'un archevêque, quand il vient peindre ce retable pour les Antonites d'ISSENHEIM. Il se trouve brutalement en contact avec l'hospice ( et l'affreux "mal des Ardents"  dû à l'ergot du seigle ), avec la gangrène, la putrescence, la mort abjecte. GRUNEWALD ne raconte plus, il ressent, il exprime, il va au-delà des apparences dans une quasi monochromie des teintes et une émotion extraordinaire. Dans une inter-pénétration de gris, son Christ souffre et meurt étouffé, comme tous les crucifiés chez qui se bloquaient les muscles inter-costaux.

La Vierge en blanc de deuil défaille sur le bras trop long de l'Apôtre Jean. Mais ce bras imprime à toute la peinture un mouvement enveloppant en diagonale. GRUNEWALD introduit ici "l'élément cosmique" du message du Christ.

Pour la résurrection du Christ, on passe des teintes bleues et froides à l'évanescence du visage blond et nimbé d'aurore de Jésus.

"L'Annonciation" au contraire sentait la turbulence : illustrée par un ange rouge et sanguin et une vierge "fille mangeuse de salaisons et buveuse de bière" ! Les mains molles ne sont pas d'un anatomiste comme le fut DURER. GRUNEWALD est seulement un merveilleux coloriste.

MARTIN SCHONGAUER, au contraire, fils et frère d'orfèvres, se spécialise dans la gravure et produit peu de peintures. La jolie petite
" Vierge au buisson de roses", à la collègiale St Martin, présente un visage morne. Elle tient un bébé pas heureux qui se détourne. L'impression de tendresse nait seulement de l'inclinaison douce des corps et du choix des roses, fleurs de l'amour et fleurs mystiques.

La robe évoque les draperies bourguignonnes. La peinture est sertie d'entrelacs dorés dignes de l'orfèvre qu'était SCHONGAUER.

COLMAR nous offrira au départ toutes ses grâces. Colmar, la vieille cité priévilégiée du Moyen-Age, au clergé lettré, à la bourgeoisie florissante. Colmar et ses toits pointus du passé qui longent le bord de l'eau aux barques plates jusqu'à la collégiale St MARTIN. Ses vieilles maison, son quartier des "Tanneurs" aujourd'hui si ravissant sous les colombages. Ses maisons neuves aux toits pentus. Ses nombreux artisans.
 Ici l'on vit heureux. Et pourquoi pas ?

Jean ANGLADE raconte que le Dieu-Créateur donna aux Alsaciens le choix entre l'enfer allemand et l'enfer français ...

- Nous n'hésitons pas ! crient ensemble les damnés.

- Vraiment ? ... Pas un instant ? ... Puisque je vous y autorise ?

- Pas un instant. Nous choisissons l'enfer français.

- Je vous avertis que les châtiments y sont aussi terribles que dans l'autre !

- Sans doute, mais nous connaissons bien la France. Nous sommes certains qu'il manquera toujours quelque chose dans son "enfer" : une fois le goudron, une fois le charbon, une fois l'huile, une fois le soufflet ..."


Et voilà comment l'Alsace devint par contrecoup la plus belle province de France.
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FIN de ce voyage effectué un jour de printemps 1976
A bientôt pour une autre escapade  ?!











Publié dans REGIONS FRANCAISES

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